Saturday, March 22, 2008

(cliquez)

U6pia Laboratoire d’édition, de recherche et d’exploration est une association sans but lucratif dont l’objectif est de réunir les moyens humains et logistiques nécessaires à la matérialisation de projets du domaine culturel, scientifique et artistique touchant l’histoire et l’archéologie de l’univers nautique.

Plutôt que la réalisation des projets eux-mêmes, conduite le plus souvent en partenariat national ou international, le rôle d’U6pia est d’être le haut fourneau / la matrice / le noyau fédérateur d’actions «exogènes» dispersées par définition dans le temps et l’espace.

Au rythme de 86 400 secondes par vingt-quatre heures, la fuite du Temps veut que nous ayons, par la force des choses, plusieurs centaines d’années de retard sur les toiles de fond historiques où s’inscrivent nos projets.

C’est à U6pia qu’échoie le défi logistique qui résulte de ce décalage, au travers de partenariats de tous ordres résultant de la synergie de ceux, artistes, scientifiques et industriels, pour lesquels le mot «Défi» est une palette créative et transdisciplinaire qui se décline au grand jour, sur le terrain , en équipe.

Parmi les projets à très court terme auquel U6pia apporte son appui figure l’organisation d’un Atelier Asie-Europe au Portugal, en avril 2008, sur le thème de la «mécanique» des navires en bois d’antan. Le thème, très pointu en apparence, concerne en réalité la façon dont les navires «souffrent», à quai ou par mer formée. Exclu d’honneur : le Bateau Ivre.

Le débat va au cœur de la forme des composants d’un navire et concerne le rôle physique d’une quille, d’une préceinte ou d’un pied de mât. Tout charpentier naval a une réponse personnelle à ces questions dont l’analyse formelle concerne d’abord l’ingénieur mais dont les réponses vont pourtant tout droit au centre des préoccupations de l’archéologue naval.

Tout marin ou batelier aborde ces questions d’une façon ou d’une autre au cours d’une vie de mer, de lacs ou de rivières. Bernardin de Saint-Pierre lui-même, terrien voyageur et homme de lettres, frôlait de près le sujet en constatant, dans la grande houle de l’océan Indien à bord du vaisseau Le Marquis de Castries, de la Compagnie des Indes, que les planches de sa cabine se déformaient avec une telle force et ampleur dans le creux et au sommet des vagues australes, qu’il pouvait glisser dans les interstices béants du bois de son logis un os de son repas qui était écrasé au coup de roulis ou de tangage suivant.

L’Atelier Asie Europe qui aura lieu au Portugal en avril prochain s’inscrit dans le cadre des Asia-Europe Workshop Series promues par l’International Institute for Asian Studies (IIAS) de Leiden en Holland, organisme au travers duquel deux institutions, la fondation Asia Europe et la European Alliance for Asian Studies, apportent une contribution décisive à la réalisation de la réunion internationale d’Avril prochain au Portugal.

Cet Atelier Asie-Europe organisé avec l’institut portugais du patrimoine (IGESPAR) et le département d’ingénierie navale de l’université de Wuhan en Chine aura lieu dans les villes de Beja (province d’Alentejo) et de Peniche (ville maritime) et au monastère de Arrábida en collaboration avec les mairies de Beja et de Peniche et la Fondation Oriente, de Lisbonne.

Plusieurs autres partenaires participent à la diffusion de la réunion et à sa matérialisation, les invités, archéologues ou ingénieurs navals de tous âges et des deux sexes, provenant de neuf pays différents dont, pour l’Asie, la République Populaire de Chine, la Corée, le Japon, les Philippines et l’Inde.

Les participants européens, parmi lesquels une sinologue et un marin expert des routes médiévales chinoises de l’Océan Indien, proviennent du Royaume-Uni, de Hollande, de France et du Portugal. José Maria Cativo, constructeur des derniers bateaux en bois de Peniche, un des maîtres de cet art au Portugal, figurera parmi les invités des débats. Ces derniers sont ouverts par définition à tous ceux qui, de près ou de loin, ont côtoyé ou côtoient l’univers de la marine en bois.

La discussion en préparation, dont les séances (publiques, moyennant inscription) auront lieu du 8 au 12 avril (à Beja les 8-9 Avril, à Arrábida le 10 avril, à Peniche les 11-12 avril), verra émerger des coulisses de la Chine de l’ère Ming une question majeure, trou noir impérial et pluridisciplinaire qui exige le croisement des outils de l’ingénieur, de l’historien (sinologue dans ce cas) et de l’archéologue:

les Bao Chuan, jonques géantes de l’empereur Yongle, qui cinglèrent de Nankin vers l’Océan Indien de 1405 à 1433, étaient-elles «si géantes que ça»?


____
www.u6pia.blogspot.com
Retour <-



Semences en Cours

Asia Europe Workshop Portugal 2008 (8-12 Avril 2008)

Requiem pour un Inca Défunt (5 Avril 2008)










________________


PDF versions (180 kb)


Requiem pour un Inca Défunt

Peniche (Portugal), 5 Avril 2008, 21 heures 30




Celui qui se rend à la Plaza de Armas de Cuzco, au Pérou, trois mille trois cent mètres au-dessus de la mer, et demande à une des vendeuses assises sur la pierre sombre du trottoir ce que représente le motif en forme de «X», brodé sur les ceintures colorées de l’artisanat local, entendra ces femmes des Andes lui répondre sans hésiter: «Tupac Amaru».




Concert pour chœur et orchestre




Lieu: église de São Pedro (près de la Ribeira, l’ancien port de pêche, dans la vieille ville), à Peniche.

Date: 5 Avril 2008

Projet proposé par Jean-Yves Blot et Maria Luisa Blot à la Mairie (Câmara Municipal) de Peniche, à l’ambassade du Pérou au Portugal et à la Fondation Vila Nova de Gaia (Portugal). Ce projet fait partie des lignes d’action de U6pia, Laboratoire d’Edition, de Recherche et d’Exploration destiné à concrétiser des projets créatifs du domaine scientifique et artistique mis en œuvre par Jean-Yves Blot et son équipe.
Contexte institutionnel: A la suite de réunions qui ont eu lieu à l’Ambassade du Pérou au Portugal, et à la Mairie (Câmara Municipal) de Peniche, au Portugal, en Décembre 2006 et Janvier 2007, la réalisation d’un évènement historique et musical intitulé Requiem pour un Inca défunt se trouve en cours d’étude pour le 2 Février prochain (2008). Ce Requiem hors du commun fait partie du programme d’activités culturelles projeté par la Mairie (Camara Municipal) de Peniche en collaboration avec l’Ambassade du Pérou à Lisbonne.


Détail du tableau du peintre lyonnais Jean Pillement: La Desgracia Imprevista (1786). Collection particulière (Espagne)

Le thème en jeu concerne un épisode notoire de l’histoire de Peniche, le naufrage survenu le 2 Février 1786, d’un navire de guerre espagnol venu du Pérou colonial.

Toile de fond: L’accident eut lieu entre dix heures et demi et onze heures du soir.

Au matin du 3 Février, 128 morts plus tard, l’horizon de Peniche, bourgade maritime au nord de Lisbonne, venait de changer à jamais.

Le concert intitulé Requiem pour un Inca défunt a pour but d’évoquer et de clore le plan le plus dramatique de cette mémoire sud-américaine de Peniche. Plus de deux siècles après les évènements, il s’agit avant tout d’exaucer un vœu formulé au plus profond d’une prison andine.

Trois mille mètres au-dessus de la mer: Tout a commencé en Amérique du Sud, dans la cordillère des Andes, en l’an 1780.

Tout s’est terminé trois ans plus tard, trois mille mètres plus bas, en plein hiver atlantique, quand des dizaines de corps donnèrent à la côte, à Peniche, au Portugal.

Plus de deux siècles après les évènements, à la suite de plusieurs campagnes de fouilles archéologiques aussi bien à terre que sous la mer, l’Amérique du vice-royaume du Pérou d’antan fait désormais partie de la mémoire vivante de la ville maritime de Peniche, aujourd’hui.

Un des naufragés de 1786 portait un fer forgé à la cheville gauche. Les archéologues le retrouvèrent en 1994, enterré face contre terre. L’inconnu fut baptisé «X 24».

Lisbonne, Juin 1999 : Musée National d’Archéologie: l’ anthropologue péruvienne Judith Vivar Anaya (Universidad Católica, Lima) présente le crâne d’un des naufragés péruviens de 1786 à Peniche (photo: Maria Luísa Pinheiro Blot). Sur un total de quelques 400 passagers, 128 moururent dans l’accident du San Pedro de Alcantara, dont 17 prisonniers politiques de la révolte de Tupac Amaru .


Le dernier Inca


Le Vice-Royaume du Pérou fut crée au XVIe siècle aprés la destruction de l’empire Inca par les soldats de la Conquista espagnole. Le dernier empereur, Tupac Amaru, fut décapité en 1572 à Cuzco, l’ ancienne capitale impériale.

Deux siècles après, José Gabriel Tupac Amaru, un chef andin élevé par les Jésuites de Lima, essaya, après deux siècles d’abîme colonial, d’imposer les droits des indigènes péruviens. Catholique pratiquant, parlant couramment l’espagnol, José Gabriel essaya au début la voie légitime, exigeant l’application rigoureuse des textes édités à Madrid. Sans résultat. En 1780, il prit les armes et trouva des milliers de partisans parmi la population indigène des hauts plateaux andins, déclenchant ainsi la plus grande révolte de l’histoire coloniale sud-américaine. Cuzco se trouva bientôt dans l’imminence de tomber aux mains des rebelles. Les combats durèrent des mois.

Le cacique péruvien fut finalement vaincu et fait prisonnier par l’armée coloniale. On l’emprisonna à Cuzco où il fut interrogé et torturé.

Le matin de sa mort, il fut conduit sur la Plaza de Armas de l’ancienne capitale impériale. La foule avait accouru de toute la région.

Sur ordre des autorités coloniales, Fernando, âgé de dix ans, fils cadet du chef rebelle, fut placé ce matin-là sous une potence pour assister au supplice de son père.

Fresque contemporaine representando José Gabriel Tupac Amaru (Tarma, Pérou andin) (photo: Jean-Yves Blot, 1995)



Le bourreau fit écarteler José Gabriel Tupac Amaru entre deux chevaux puis démembra à coups de lame le corps du chef encore vivant. Les morceaux du cadavre furent placés au vent et à la pluie dans les villages qui avaient soutenu la rébellion. Ce qui restait du corps, le tronc, les entrailles, fut conduit à une colline des environs de Cuzco et brûlé. Les cendres furent jetées à un ruisseau qui dévalait la pente.

Du fond de sa cellule, après un des séances de torture, le chef rebelle avait écrit un billet avec son propre sang ainsi qu’un autre, rédigé de la main gauche. L’autre bras venait d’être brisé par le tortionnaire.

Dans ce second billet, rédigé à l’encre celui-là, le chef péruvien demandait à un ami vingt cinq pesos pour que fût réalisée «una misa por mi alma» (une messe pour mon âme).

Le billet n’est jamais parvenu à son destinataire. La demande dort depuis deux siècles dans une liasse de manuscrits du procès conservée aux archives historiques d’ Espagne.

Requiem pour un Inca Défunt survient comme le maillon ultime d’un vœu intime qui reste à exaucer.


Moins de deux siècles après les évènements, la mémoire
de José Gabriel Tupac Amaru fut réavivée comme étant
celle d’un héros national du Pérou contemporain (détail
d’une pièce de monnaie de cuivre) (photo/collection: Jean-Yves Blot, Maria Luisa Pinheiro Blot)


Héros historique du Pérou contemporain, José Gabriel Tupac Amaru mourut cinq ans avant le naufrage, à Peniche, au Portugal, du navire de guerre San Pedro de Alcantara. À bord de ce navire de guerre espagnol venaient plus de quatre cent personnes, parmi lesquelles un groupe de prisonniers politiques, hommes, femmes et enfants, tous «indiens» péruviens de la famille de José Gabriel Tupac Amaru. L’un des prisonniers était «X 24», le squelette masculin retrouvé à Peniche, au Portugal, lors des fouilles archéologiques de 1994.

Requiem pour un Inca Défunt a pour objectif de clore un long cycle entamé dans les Andes péruviennes et que la mer a conduit sur les rivages de Peniche.

Le chant choisi pour la clôture de cette mémoire inassouvie est le long cri terminal que Wolfgang Amadeus Mozart écrivit en 1789, huit ans après le billet manuscrit de Cuzco.



Jean-Yves Blot

Montfort-le-Gesnois 20/I/08,
Beja 18/III/2008